Education

Les blogs sous surveillance

Les parents attentifs l’auront remarqué: noyée dans la masse de consignes à respecter par leur enfant, une minuscule phrase est venue allonger le règlement intérieur de certaines écoles. L’objet de ces nouvelles attentions? Les blogs, ces sites internet prisés des jeunes, sur lesquels on s’exprime librement, et que chaque internaute peut aisément commenter.
Au printemps dernier, plusieurs de ces pages web créées par des adolescents ont défrayé la chronique. Elles contenaient des propos injurieux voire des menaces vis-à-vis de camarades ou de professeurs. Des directeurs d’école ont découvert des photomontages d’élèves ou d’enseignants, légendés de commentaires assassins. «Tous les cycles d’orientation des classes de degré inférieur ont été touchés», déclare Manuel Grandjean, directeur du service écoles-médias de Genève.

Ce sont surtout les établissements affectés par des cas de diffamation qui ont pris des mesures. «On a eu des histoires à cause d’élèves qui en ont attaqué d’autres par le biais d’un blog. L’enfant humilié peut très mal vivre ces insultes», dit-on au collège Vinet, établissement privé de Lausanne. Pour la rentrée, une nouvelle phrase s’est donc glissée dans le règlement: «Tout élève publiant un blog comportant des propos diffamatoires à l’encontre d’un élève, d’un professeur ou de l’établissement, encourt une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion de l’école.»
Plusieurs collèges, comme l’école secondaire publique des Bergières, ont suivi l’exemple. «Les blogs ne doivent jamais contenir de textes injurieux, insultants ou vulgaires», mentionne le règlement. «Cette formule ne figurait pas dans la version de l’année passée», précise Willy Kohler, doyen administratif de l’école lausannoise. D’autres établissements, comme le collège de l’Elysée de Lausanne, ont privilégié la sensibilisation, en envoyant une lettre d’information aux parents.

Ces mesures montrent bien une relative tension vis-à-vis du «phénomène blog». «Nous allons observer cette rentrée et être très attentifs», confie Jean-Claude Marguet, chef du service de l’enseignement obligatoire de Neuchâtel. Le sujet a également été débattu dans les cantons, lors des réunions de directeurs du secondaire inférieur en particulier. A Genève, un cours spécial a même été ajouté au programme de la formation continue, afin d’initier les professeurs avec cet outil informatique. Le canton est d’ailleurs précurseur en matière de prévention. Dès avril dernier, il a élaboré et mis à disposition des écoles un «kit» explicatif des droits et devoirs de chacun lors de créations de blogs sur l’internet. L’intérêt pour le sujet est tel que d’autres cantons et même des écoles privées, comme le gymnase Moser de Genève, ont d’ores et déjà demandé l’autorisation d’utiliser le matériel existant.

Une dérive dangereuse

Ecole et blogs sont, de fait, étroitement liés. Les jeunes se connectent généralement chez eux, à l’abri de tout regard. Mais sur leur site, ce sont bien souvent les histoires en rapport avec l’école, part importante de leur vie, qu’ils racontent. Sans toujours être conscients que leurs états d’âme sont accessibles aux internautes du monde entier. Pour Jean-Claude Marguet, le travail de fond ne réside pas dans l’apprentissage de la législation régissant l’internet. «Il faut insister sur le respect de l’autre. Dès lors que cette notion est acquise, il n’y a plus de raison d’insulter un camarade via le blog», explique-t-il. Il juge de toute façon la dérive vers cette forme de communication indirecte dangereuse. «Il faut veiller à ce que les enfants ne tombent pas dans un monde virtuel», prévient le responsable neuchâtelois, qui aimerait que les jeunes discutent entre eux après les cours, plutôt que de rentrer chez eux pour débattre ou chatter, via des câbles et un écran.

L’année scolaire à venir sera-t-elle placée sous le signe du blog diffamatoire ou du respect? Pour l’instant, administration et corps enseignant observent le phénomène avec attention et se tiennent prêts à intervenir.